mardi 8 octobre 2013

Vivre



 
                          Partir là-bas
                      Revenir enfin à la vie
                          Patrie d'hiver
  
                       Dans un bel endroit
                      Sans fard ni truquage
                             J'y vais
                            N'y va pas

                         Oublie l'Irlande
                          Et ses pâtres
                         Pense à l'ivoire
                         Aux perce-neige

                             Ivresse

                           Vive mes pas
                        Triche l'oisiveté
                           Rejoins Eve


jeudi 12 septembre 2013

Noces


Nous sommes debout
Debout et nus et droits
Coulant à pic tous les deux
Aux profondeurs marines
Sa longue chevelure flottant
Au-dessus de nos têtes
Comme des milliers de serpents frémissants
Nous sommes droits et debout
Liés par nos chevilles nos poignets
Liés par nos bouches confondues
Liés par nos flancs soudés
Scandant chaque battement du cœur

Nous plongeons nous plongeons à pic
Dans les abîmes de la mer
Franchissant chaque palier glauque
Lentement avec la plus grande régularité
Certains poissons déjà tournent
Dans un sillage d’or trouble
De longues algues se courbent
Sous le souffle invisible et vert
Des grandes annonciations

Nous nous enfonçons droits et purs
Dans l’ombre de la pénombre originelle
Des lueurs s’éteignent et jaillissent
Avec la plus grande rapidité
Des communications électriques
Crépitent comme des feux chinois autour de nous
Des secrets définitifs
Nous pénètrent insidieusement
Par ces blessures phosphorescentes
Notre plongée toujours défiant
Les lois des atmosphères
Notre plongée défiant
Le sang rouge du cœur vivant

Nous roulons nous roulons
Elle et moi seuls
Aux lourds songes de la mer
Comme des géants transparents
Sous la grande lueur éternelle

[…]
Ah plus de ténèbres
Plus de ténèbres encore
Il y a trop de poulpes pourpres
Trop d’anémones trop crépusculaires
Laissons le jour infernal
Laissons les cycles de haine
Laissons les dieux du glaive
Les voiles d’en haut sont perdues
Dans l’arrachement des étoiles
Avec les derniers sables
Des rivages désertés
Par les dieux décédés
Rigides et lisses comme deux morts
Ma chair inerte dans son flanc creux
Nos yeux clos comme pour toujours
Ses bras mes bras n’existent plus
Nous descendons comme un plomb
Aux prodigieuses cavernes de la mer
Nous atteindrons bientôt
Les couches d’ombre parfaite
Ah noir et total cristal
Prunelles éternelles
Vain frissonnement des jours
Signes de la terre au ciel
Nous plongeons à la mort du monde
Nous plongeons à la naissance du monde.

Alain GRANDBOIS, L’Étoile pourpre, L’Hexagone, 1957
Poète québécois
 
 
 

samedi 17 août 2013

Bonheur...

Bonheur


Bonheur, enfin tu es venu
Viens, n'aie pas peur, reste
Non je ne faisais pas la sieste

Au contraire, je t'attendais
Ne t'explique plus, entre
Réchauffe-moi, plus près
Ah! Ta présence en mon antre!

Tu sais, cela fait si longtemps
Où donc étais-tu?
Et moi j'étais ici, patient
Demeure avec moi, ne pars plus

Tiens, prends mon coeur
Fais-en ta maison
Ah! Quelle douceur...
C'est si bon, si bon!





dimanche 11 août 2013

Au fil des jours

Pour toutes les fois que je ne t'ai pas dit :
Je t'aime !
Pour toutes les fois où je me suis trahi
Moi-même...
Pour toutes les fois que le silence, autour de toi,
Prenait ma voix...
Pour tous ces mots froids et tous ces gestes
maladroits...

Pardonne-moi !

Pour toutes les fois que tu as entendu
La pluie
Danser sur les toits son vieux refrain têtu
Ma mie...
Ces soirs de cafard où seul un souvenir blafard
Restait de quart...
Pour tous ces regards qui font penser à des départs
Dans le brouillard...

Pour tous ces printemps dont nous avons goûté
La fièvre,
Les jours de grand vent qui nous ont mis l'été
Aux lèvres...
Pour que l'eau du temps pose un brin d'herbe entre tes dents,
Comme à vingt ans,
Pour qu'un cerf-volant guide tes pas au bout d'un champ,
Où je t'attends...

Au fil des jours,
Les mots d'amour tissent la vie.
Mes mots d'amour,
Ma belle amie, vous font la cour.
Écoutez-les
Ce sont les mots de tous les jours.
J'en ai semé
Qui font chanter vos alentours.

Et si jamais
Ce ne sont plus mes troubadours,
J'en sèmerai
Qui fleuriront pour nos amours... !
 
 
 
Gilles Vigneault, poète québécois

 

mercredi 3 juillet 2013

Élucubration

Nu, je suis né

Nu et nu je vis
Riche en biens
Où je ne crie

Nu je ne suis
Rien sans rien
Nu je ne puis

Nu à la mort...