Nous sommes debout
Debout et nus et droits
Coulant à pic tous les deux
Aux profondeurs marines
Sa longue chevelure flottant
Au-dessus de nos têtes
Comme des milliers de serpents frémissants
Nous sommes droits et debout
Liés par nos chevilles nos poignets
Liés par nos bouches confondues
Liés par nos flancs soudés
Scandant chaque battement du cœur
Nous plongeons nous plongeons à pic
Dans les abîmes de la mer
Franchissant chaque palier glauque
Lentement avec la plus grande régularité
Certains poissons déjà tournent
Dans un sillage d’or trouble
De longues algues se courbent
Sous le souffle invisible et vert
Des grandes annonciations
Nous nous enfonçons droits et purs
Dans l’ombre de la pénombre originelle
Des lueurs s’éteignent et jaillissent
Avec la plus grande rapidité
Des communications électriques
Crépitent comme des feux chinois autour de nous
Des secrets définitifs
Nous pénètrent insidieusement
Par ces blessures phosphorescentes
Notre plongée toujours défiant
Les lois des atmosphères
Notre plongée défiant
Le sang rouge du cœur vivant
Nous roulons nous roulons
Elle et moi seuls
Aux lourds songes de la mer
Comme des géants transparents
Sous la grande lueur éternelle
[…]
Ah plus de ténèbres
Plus de ténèbres encore
Il y a trop de poulpes pourpres
Trop d’anémones trop crépusculaires
Laissons le jour infernal
Laissons les cycles de haine
Laissons les dieux du glaive
Les voiles d’en haut sont perdues
Dans l’arrachement des étoiles
Avec les derniers sables
Des rivages désertés
Par les dieux décédés
Rigides et lisses comme deux morts
Ma chair inerte dans son flanc creux
Nos yeux clos comme pour toujours
Ses bras mes bras n’existent plus
Nous descendons comme un plomb
Aux prodigieuses cavernes de la mer
Nous atteindrons bientôt
Les couches d’ombre parfaite
Ah noir et total cristal
Prunelles éternelles
Vain frissonnement des jours
Signes de la terre au ciel
Nous plongeons à la mort du monde
Nous plongeons à la naissance du monde.
Alain GRANDBOIS, L’Étoile pourpre, L’Hexagone, 1957
Poète québécois
Poète québécois
Aucun commentaire:
Publier un commentaire